A.-J. Czouz-Tornare: La Révolution française pour les Nuls

Cover
Titel
La Révolution française pour les Nuls.


Autor(en)
Czouz-Tornare, Alain-Jacques
Erschienen
Paris 2009: Editions First
Anzahl Seiten
XXIV – 420 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Antoine Broussy

Accepter de rédiger une histoire de la Révolution française dans la collection «Pour les Nuls» relève sans nul doute de la gageure. Celle, d’abord, de surmonter les préjugés entourant cette collection. Celle, ensuite, de proposer une histoire de la Révolution française dépassionnée des clivages historiographiques et idéologiques qui l’enrobent généralement. Disons-le d’emblée, A.-J. Czouz-Tornare, en historien qui maîtrise son sujet, nous offre avec ce volume une synthèse de qualité tout en assumant les normes éditoriales de la collection. L’ouvrage a donc le mérite de proposer au grand public un récit ni trop partisan, ni trop simpliste, parvenant à éclairer la complexité des faits de manière réussie.

Passons rapidement sur la forme de l’ouvrage qui répond à des contraintes dont on pourra toutefois regretter parfois le manque d’efficacité. Certainement, le livre fonctionne mieux pour qui souhaite découvrir quelques tranches de l’histoire révolutionnaire plutôt que comme manuel. En effet, le sommaire, qui compte pas moins de 14 pages, abuse de titres volontairement imagés et allusifs pour répondre à la tonalité humoristique voulue par l’éditeur. S’ils permettent d’intriguer le lecteur, ils ne l’aident pas néanmoins à l’orienter facilement à la recherche d’une information précise. Heureusement, pour qui pense à s’en servir, la chronologie indicative en fin d’ouvrage peut pourvoir aux imprécisions du sommaire. Par ailleurs, les icônes censées guider le lecteur déçoivent trop souvent. La présentation des sources, dites «brute[s] de décoffrage», se résument à quelques courtes citations célèbres. Les informations identifiées comme «particulièrement importantes» relèvent un peu trop fréquemment de l’anecdote ce qui n’aide pas à les hiérarchiser et à proposer des interprétations claires. Le lecteur peu averti, à qui s’adresse en priorité cette collection, pourra parfois se sentir perdu dans la profusion des faits présentés, certes inhérente au sujet lui-même. Malgré cela, grâce à son érudition, A.-J. Czouz-Tornare nous propose un grand nombre d’anecdotes connues ou moins connues qui offrent des pauses dans la lecture et la rendent plus vivante. La bibliographie enfin présente des ouvrages classiques mais aurait gagné à être un peu plus actualisée d’autant que, parmi les deux seuls ouvrages récents, celui de Max Gallo (2009) permettra certainement d’aller ailleurs, mais sans doute pas «plus loin» …

Celle-ci nous renvoie à présent au fond. Le livre est en effet composé de cinq grandes parties qui scandent la période révolutionnaire de manière très conventionnelle: «La France dans l’impasse (1774–1788)» (52 p.); «la Révolution, année zéro (1789)» (86 p.); «La Révolution en marche (1790–1792)» (54 p.); «la Révolution, acte 2 (1792–1794)» (74 p.); «la Révolution confisquée (1794–1815)» (82 p.). Ce n’est pas là en vérité une critique puisqu’il s’agit de toucher un public large et non de proposer un manuel complexe nourri des dernières avancées de la recherche. Néanmoins, la distribution des parties indique à elle seule que A.-J. Czouz-Tornare a fait le choix de s’inspirer d’une historiographie désormais très classique. Ce découpage est assez éclairant en ce qu’il met en évidence un choix – plus ou moins volontaire? – de s’adapter au public, instruit depuis des années en France selon ces balises chronologiques, plutôt que de bousculer un peu les schémas de pensée traditionnels. Le chapitre sur le Directoire s’intitule ainsi «l’impasse révolutionnaire » et se trouve dans la cinquième partie dont le titre est limpide. Pourtant, on sait désormais que ces images ne rendent pas justice à cette période. Le rétablissement de l’économie s’opère, permettant une meilleure assise sociale du régime, tandis que le régime représentatif est consolidé dans le cadre d’institutions devenues efficaces, malgré des infractions au droit pour traquer les opposants et les réfractaires. L’auteur, spécialiste de la République helvétique et de la Médiation, ne l’ignore pas puisqu’il indique – mais dans le chapitre suivant – que «ce régime ne mérite pas l’opprobre dont on l’accable» (p. 335). Reste que c’est plutôt l’image convenue d’un «régime instable et fragilisé» (p. 320) où «le désordre est partout tandis que la paralysie gagne les autorités» (p. 323) qui risque de surnager. Le livre par ailleurs prend visiblement le parti de faire porter à la monarchie une des principales responsabilités dans l’avènement de la Révolution. A ce titre, il présente une vision assez stéréotypée de Louis XVI et de Marie-Antoinette, prétexte à des jeux de mots à répétition. Mais à trop manier le calembour, c’est le sens parfois qui se trouble, au point que le roi et la reine n’apparaissent plus que comme une caricature d’eux-mêmes (pp. 28 et suiv. par exemple), là où Timothy Tackett ou Mona Ozouf ont contribué à introduire plus de nuance dans leurs ouvrages sur Varennes. Sans doute, les décisions – où plutôt l’indécision – du roi ont-elles accéléré les événements. Mais c’est surtout la part de la contre-révolution, bien démontrée par Jean-Clément Martin et qui ne se surimpose pas totalement avec la monarchie, qui n’apparaît pas ici visiblement. Cela entretient une vision un peu schématique du rôle de Louis XVI qui fut confronté à des arbitrages politiques complexes – au même titre plus tard que les révolutionnaires, une fois ceux-ci parvenus au pouvoir.

Pour autant, en offrant un point de vue décentré sur l’histoire de la Révolution française qui lui permet d’éviter la plupart des pièges de la Terreur (chap. 15), en accordant une place au rôle des femmes ou en notant l’importance de la sacralité dans le phénomène révolutionnaire (chap. 7 et 8), et en composant finalement une synthèse sérieuse des événements, A.-J. Czouz-Tornare propose ici un ouvrage qu’on pourra sans scrupule aucun «mettre entre toutes les mains»!

Citation:
Antoine Broussy: compte rendu de: Alain-Jacques Czouz-Tornare: La Révolution française pour les Nuls. Paris, Editions First, 2009. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 60 Nr. 2, 2010, p. 267-268.

Redaktion
Veröffentlicht am
13.02.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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